La Ville dispose aujourd'hui de 3 700 places de parkings souterrains ou couverts. Une offre considérable construite progressivement depuis plus de vingt ans. Comment ? Pourquoi ? Et que reste-t-il à faire ? Les réponses du maire Jean-Pierre Gorges.
Votre Ville : Près de vingt ans après l'inauguration du parking Cœur de Ville, comment regardez- vous la stratégie municipale en matière de parkings publics ?
Jean-Pierre Gorges : Nous avons inauguré l'an dernier le parking du Pôle Gare et ses 1 090 places de stationnement, couvert par la dalle qui va accueillir prochainement la plateforme multimodale qui permettra l'accès direct aux quais de la gare SNCF par les voyageurs descendant des bus et des cars. Au total, ce sont 3 700 places de stationnement souterrain qui sont à la disposition des Chartrains et de nos visiteurs. C'est considérable ! L'autre point important, c'est que nous sommes restés fidèles à notre principe de départ : c'est l'usager et non le contribuable qui paie le stationnement. En 2001, la Ville n'avait pas les moyens de financer la construction du nouveau parking Cœur de Ville, qui était pourtant l'un de nos engagements majeurs, validé par les Chartrains lors de l'élection municipale.
Nous pouvions évidemment rendre payant le stationnement de surface dans les quartiers riverains du centre-ville historique, où il était encore partiellement autorisé. Nous l'avons fait, dans les quartiers environnants, sauf pour les riverains. En partant d'un principe simple : une place gratuite n'existe pas, elle est immédiatement colonisée par le stationnement-ventouse. Faire payer, c'est la seule manière d'assurer une rotation des véhicules. Mais le stationnement de surface, même payant, n'était pas suffisant pour permettre de façon satisfaisante l'accès aux commerces et aux services publics du centre-ville, sans même parler de l'extension de la zone piétonne pourtant nécessaire à la préservation du patrimoine du Secteur sauvegardé. Nous nous étions donc engagés à créer progressivement 3 000 places de stationnement souterrain, nous y sommes et largement.
VV : Pour financer cet objectif, sans faire payer le contribuable, vous avez choisi la voie du partenariat public/privé. Un choix pertinent ?
JPG : Nous avons choisi de conclure avec une société spécialisée une délégation de service public (DSP). Q-Park a financé l'intégralité du montant de la construction du parking Cœur de Ville. En contrepartie, cette société pouvait l'exploiter pendant 30 ans, soit jusqu'en 2035. L'usager paie le parking, et la Ville, donc le contribuable, récupère 30 ans après la pleine propriété d'un outil constamment modernisé. Le parking Cœur de Ville a été mis en service fin 2005, il sera nôtre en 2035. Le temps passe… et nous approchons du terme, où la Ville - et donc les Chartrains - pourra exploiter ce parking pour son propre compte. Cette DSP, nous l'avons étendue progressivement aux deux petits parkings des Halles et Cathédrale, également modernisés par Q-Park, puis au parking du Grand-Faubourg et enfin, au parking République, toujours à échéance 2035.
Dans l'intervalle, les commerces et les services du centre-ville ont pu fonctionner de façon satisfaisante. La zone piétonne a pu s'élargir et surtout nous avons pu réaménager le cœur de ville et d'agglomération. En effet, le boulevard Chasles et la place des Épars, aménagés avec des trottoirs épais et larges, des pistes cyclables et des voies propres pour les bus, sont en quelque sorte le toit du parking Cœur de Ville. Sans celui-ci, nous n'aurions pu installer les boulevards de la culture, avec le conservatoire tout près, le cinéma, la Méd'IAthèque. Et comment accueillir les touristes et les habitants de l'agglomération qui se pressent à Chartres en Lumières ou à ChartrEstivales ?
VV : Vous insistez aussi beaucoup sur le fait que tout cela s'est fait sans artificialisation supplémentaire des sols ?
JPG : Calculez vous-mêmes : pour créer 4 000 places de stationnement en surface, il aurait fallu consommer 10 hectares. Presque tout ce que nous avons fait, nous l'avons reconstruit sur de l'existant ou des friches industrielles comme à la gare. Cela nous a également permis de généraliser le double usage de ces parkings, dans la journée bien sûr, mais aussi le soir. C'est vrai des boulevards du centre-ville construits sur le parking Cœur de Ville, comme du Colisée installé sur l'espace central du Pôle Gare et son parking. Le Colisée en périphérie c'était, outre la création d'un grand parking de surface à proximité, un coût de fonctionnement supplémentaire (sécurité, services, transports…) qui, en quelques années, aurait abouti à doubler le coût de l'équipement.
Notre stratégie des parkings s'est en effet, dès l'origine, inscrite dans une stratégie plus globale du réaménagement de Chartres. D'où le multi-usage généralisé et la zéro artificialisation des sols. Et aussi l'amélioration considérable de la situation du stationnement de surface, notamment à la gare et autour. Quand 10 000 personnes, dans la deuxième gare TER de France, prennent chaque matin le train et reviennent le soir, le désordre s'installe presque mécaniquement, faute de possibilité de stationnement, à la gare même et tout autour, jusqu'au Coudray où le parking des Hôpitaux de Chartres était colonisé le matin par des gens qui stationnaient là leur voiture avant de prendre le bus pour se rendre à la gare.
VV : On comprend la logique. Et on a envie de dire : et maintenant ?
JPG : Le passé prépare l'avenir, c'est une évidence. Nous avons fait tout cela à partir d'un autre choix clair : nous avons refusé d'exclure la voiture, à la différence de certains idéologues. Elle peut venir. Au fur et à mesure qu'elle s'approche du centre, elle ralentit avant de se cacher en sous-sol. La priorité donnée aux piétons, l'usage croissant du vélo et le réseau de transports publics, font que l'on a moins besoin de prendre systématiquement sa voiture, mais on ne doit pas l'exclure. La liberté, c'est d'avoir le choix. C'est pourquoi dans les quartiers plus excentrés de Chartres, nous favorisons depuis longtemps la construction de nouveaux immeubles dotés de parkings souterrains. Cela nous permet de désartificialiser des sols occupés depuis les années 60 et 70 par les parkings de surface. Et comme nous avons constaté une diminution importante de la population du centre-ville historique et notamment des familles avec enfants, nous avons vu que cela créait un déséquilibre sociologique qui n'est pas sain.
Cela a également nui aux commerces de bouche, qui ont moins de clients potentiels. La restauration de l'habitat, notamment en basse-ville durant les années 70, a entraîné le départ de nombreux habitants, souvent les plus modestes. La mixité sociale en a souffert. Les maisons restaurées depuis ont été divisées en plusieurs appartements, avec les difficultés de stationnement qui en découlent encore aujourd'hui, c'est évident près de Saint-André et de Saint-Pierre. C'est vrai également dans la ville haute, où nous avons entrepris de faciliter la restauration de l'habitat pour repeupler les étages des immeubles. Or, si l'on veut faire revenir des familles, il faut non seulement des logements, y compris des logements sociaux, mais il faut aussi que ces familles puissent disposer d'un accès facile à leur voiture. C'est pourquoi nous réfléchissons par exemple à la réservation de tout ou partie du parking des Halles aux habitants du quartier. Et en basse-ville, nous allons lancer deux appels d'offres pour deux projets de parkings privés dans les quartiers Saint-André et Saint-Pierre. Là encore, ce ne seront pas les contribuables qui paieront mais bien les usagers qui habitent ou habiteront là. L'objectif, c'est de favoriser ou de restaurer des équilibres toujours souhaitables, qu'ils soient humains, sociologiques ou financiers.
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