C'est autour de 1024 qu'est bâtie par l'évêque Fulbert la crypte de la cathédrale Notre-Dame de Chartres : l'une des plus vastes au monde, au passé historique d'une richesse inouïe.
À compter du 21 septembre, et jusqu'au mois d'août 2025, la Ville consacre une partie de sa programmation culturelle aux 1 000 ans de cette crypte aussi fascinante qu'énigmatique. Avec elle, plongez dans les époques les plus anciennes de la cathédrale.
La cathédrale telle que nous la connaissons, dominant avec majesté la Ville, l'agglomération et la campagne environnante, n'a évidemment pas toujours eu le même visage. Si la première cathédrale a été bâtie probablement à la fin du IVe siècle à son emplacement actuel, elle a été modelée au cours du temps par les incendies, conflits et finances des époques qu'elle a traversées.
Au XIe siècle, un homme va profondément marquer l'histoire de l'édifice et de Chartres, laissant par sa trace un héritage millénaire encore aujourd'hui admiré et objet de recherches. Évêque de la ville de 1006 jusqu'à sa mort en 1028, Fulbert est à l'origine de la construction de la crypte, aujourd'hui célèbre à travers le monde, qu'il imagine spécialement prévue pour l'accueil des pèlerins, venus prier le voile de Marie, la Sancta Camisa, offert par le roi de France Charles le Chauve, en 876. En 1020, lorsqu'un incendie surgit et ravage le monument d'époque carolingienne, il a l'idée de bâtir une cathédrale à deux niveaux avec une église basse, qui formera le soubassement de l'église haute. De nombreux éléments historiques laissent entendre que Fulbert envoie une lettre, en 1024, au duc d'Aquitaine Guillaume V pour lui indiquer au détour d'une phrase l'achèvement des travaux de la crypte et sa volonté de voûter ces espaces souterrains avant les intempéries de l'hiver.
Un lieu à la dimension exceptionnelle
La crypte Fulbert est considérée comme la plus vaste de France et l'une des plus importantes du monde. Vaste corridor de près de 250 mètres de long, elle s'enroule comme un U – sous l'ensemble des bas-côtés et de la partie déambulatoire de la cathédrale haute – autour de la crypte Saint-Lubin (Xe siècle), qui témoigne à elle seule des vestiges les plus anciens de la cathédrale, où des milliers d'années d'architecture se côtoient. La crypte Fulbert dispose d'une structure entièrement romane avec une voûte en berceau. En 1020, le renouvellement de l'architecture en pierre n'en est qu'à ses prémices, ce qui explique l'architecture primitive de la crypte dont les seuls éléments décoratifs sont des pilastres avec une corniche au sommet. De fait, le lieu est pensé par Fulbert comme un grand espace de déambulation où le visiteur passe symboliquement de l'ombre à la lumière dans un parcours initiatique.
La crypte Fulbert est un vaste corridor de 250 mètres de long qui s'enroule autour de la crypte Saint-Lubin.
Chapelles romanes et gothiques
Les deux galeries parallèles, larges d'environ cinq mètres, sont construites selon un style primitif, typique des techniques « pré-romanes ». Par leur immensité, elles sont imaginées pour des processions et sont construites par ce qu'on appelle le blocage : des pierres irrégulières, noyées dans du mortier et couvertes d'enduits. Elles sont enveloppées de voûtes d'arêtes : une solution archaïque qui vient du recoupement de deux voûtes en plein cintre. Dans la partie tournante, trois chapelles d'origine, de style simple et massif, alternent avec quatre chapelles intercalées aux alentours de 1200, lors de l'édification de la cathédrale gothique. On explique ainsi l'alternance originale entre ces premières chapelles, couvertes en berceau et disposant de petites ouvertures et celles édifiées sur croisée d'ogive avec leurs larges fenêtres. Malgré l'incendie de 1134 qui détruit la ville et les côtés sud et ouest de la cathédrale, la crypte Fulbert demeure intacte et sera peu retravaillée jusqu'à aujourd'hui. Au XVIIIe siècle, les voûtes du caveau Saint-Lubin sont reprises par un agencement complexe des pierres pour supporter la grande statue en marbre de l'Assomption.
Les trésors de la crypte
Le puits des Saints-Forts
Véritable curiosité de la crypte, le puits des Saints-Forts est situé dans le couloir intérieur. D'une profondeur de 35 mètres, son origine est gallo-romaine. Sa base carrée rappelle notamment les anciens puits celtiques. Il est découvert en 1901 par un archéologue et son histoire révèle que son incorporation fut volontaire mais posa problème au clergé de la cathédrale, qui décida de le reboucher sans doute à l'époque moderne.
La chapelle Notre-Dame de Sous-Terre
Située côté nord de la crypte, elle demeure l'un des lieux de prière les plus vivants de la cathédrale. Depuis 1976, elle abrite une statue de la Vierge Marie, fidèle copie d'une statue médiévale brûlée au Moyen Âge autour de laquelle est né le légendaire de la Vierge devant enfanter. Il raconte que des prêtres auraient miraculeusement commencé à prier Marie avant même la naissance du Christ. Cette légende a contribué à bâtir le mythe fondateur de la cathédrale de Chartres.
De son côté, la chapelle, avec sa proportion tout en longueur, a évolué à maintes reprises. Ce lieu, intimement lié à l'histoire de France, verra sa cloison du Moyen Âge (XIIe) être revue à l'époque de Louis XIV (XVIIe) avec un aménagement de type baroque, dans lequel la statue est remise en évidence. Vers 1857, on consacre une nouvelle statue et un décor néo-byzantin. Un siècle plus tard, dans les années 70, une cloison transparente est installée.
Le reliquaire du Voile de la Vierge
Daté d'environ 1820, il abrite un fragment de ce tissu précieux, dont une partie plus importante est visible dans la cathédrale haute.
La galerie Saint Jean-Baptiste
Côté sud, la galerie Saint Jean-Baptiste accueille le baptistère, en date du XI-XIIe siècle, dont le choix d'implantation, à proximité de la remontée vers la partie haute, date probablement de Fulbert. La galerie a été réaménagée en 2006 par une mise en lumière et la création de bancs en chêne massif pour continuer à y célébrer le sacrement du baptême.
Les peintures murales
La crypte de Fulbert dispose de peintures murales d'exception, de plusieurs époques. Dans la chapelle Saint-Clément, des indices dateraient les peintures de la fin du XIe siècle. Sous des arcades, on y voit le pape saint Clément, l'apôtre Jacques, saint Pierre et les évêques Martin et Nicolas. On peut aussi remarquer saint Gilles célébrant la messe devant Charlemagne agenouillé, comme une allusion à l'épisode où ce dernier voit ses pêchés s'effacer. Autre tableau, des petits personnages combattants et des animaux dans un style assez semblable à la tapisserie de Bayeux. Le mur de gauche présente des motifs imitant les tissus d'Orient avec des lions entourés de cercles brodés.
Dans la chapelle Notre-Dame de Sous-Terre, le tableau d'une Vierge en majesté a été redécouvert en 1975. Sa figuration est marquée par l'influence byzantine. Les voûtes, noircies par les suies des anciennes lampes à huile, ont été peintes au XVIIe siècle, à l'époque où la chapelle accueillait les rois Louis XIII et Louis XIV et les grands saints. Enfin, les galeries dévoilent des œuvres murales des années 1860-1900 de style néo-roman qui rappellent les faits historiques de la cathédrale.
Le tableau d'une Vierge en majesté.
Les vitraux contemporains
La partie déambulatoire de la crypte est habillée de vitraux contemporains datant du XIXe au XXIe siècle. De sublimes réalisations, complémentaires aux vitraux de la cathédrale haute, sont à admirer. À commencer par les deux créations de Gabriel Loire (1904-1996), qui a imaginé en 1928 des vitraux « art déco » comme un rappel de l'œuvre de Fulbert.
Dans la chapelle Saint Jean-Baptiste, les trois vitraux du père Marie-Alain Couturier (1897-1954) représentent les influences fauves et cubistes de cette figure du renouveau de l'art sacré. Les vitraux de Simone Flandrin (1905-2000) déclinent des couleurs nacrées où se distingue la croix. Dans la chapelle Saint-Yves, les vitraux du prêtre sud-coréen Kim En Joong, né en 1940, laissent entrevoir son geste spontané de nature calligraphique.
Enfin, l'espace baptismal dévoile un mur de lumière créé en 2006 par Udo Zembok, vitrailliste franco-allemand né en 1951. La technique des verres thermoformés anime la surface des verres et les couleurs sombres du bas laissent place à des effets de transparence.