Ce mois-ci commenceront les célébrations des 1000 ans des fondations de la cathédrale de Chartres, lesquelles dureront un an. Le maire Jean-Pierre Gorges en rappelle l'importance pour notre cité deux fois millénaire.
Votre Ville : Pourquoi la Ville attache-t-elle autant d'importance à ce millénaire ?
Jean-Pierre Gorges : C'est un lieu exceptionnel. La crypte était en fait « l'église basse » sous la cathédrale édifiée ensuite qui brûla en 1194. Elle soutient toujours celles reconstruites par la suite que le monde entier admire encore aujourd'hui.
On reste émerveillé en parcourant ses 250 mètres de long. Elle est aussi sans équivalent dans le monde. Elle représente beaucoup plus que les fondations de la cathédrale Notre-Dame actuelle, qui elle-même a été la première cathédrale française à avoir été inscrite en 1979 au patrimoine mondial de l'Unesco. Et puis, un millénaire n'est pas un anniversaire ordinaire. Mille ans, c'est quelque chose qui vous renvoie immédiatement à l'Histoire, à la vérité, presqu'à la matérialité du temps.
« La crypte de Fulbert fonde la deuxième grande marche dans l'Histoire de Chartres. »
VV : La crypte, c'est aussi l'œuvre de Fulbert ?
JPG : Ô combien ! C'est en 1024 en effet, que Fulbert, alors évêque de Chartres, écrit au duc d'Aquitaine Guillaume V, pour l'informer et se réjouir de l'achèvement des travaux de la cathédrale qui forme aujourd'hui la crypte. Derrière les pierres, il y a toujours des hommes, et Fulbert fut un être exceptionnel qui fit rayonner Chartres comme jamais probablement auparavant. Je ne vais pas détailler ici les facettes du centre intellectuel qui fit de Chartres en l'an Mil une cité qui rayonnait dans toute l'Europe. D'autres ont parlé plus savamment que moi des Arts Libéraux. Chartres était alors une des rares grandes villes au nord de la Loire. Tout le monde sait que la ville existe depuis deux mille ans et la crypte fonde la deuxième grande marche dans l'histoire de Chartres après sa première grandeur à l'époque gallo-romaine dont les fouilles de la fin du siècle dernier ont révélé une partie des vestiges.
« Notre équipe a toujours agi dans la fidélité à notre Histoire. »
VV : Vous êtes maire de Chartres depuis 2001 et vous venez d'engager des travaux importants pour restaurer la beauté du pourtour de Notre-Dame. Dans quelle perspective votre action s'inscrit-elle ?
JPG : Quand vous devenez maire de Chartres, le poids de l'Histoire s'impose immédiatement à vous. Même si j'ai d'abord été élu pour moderniser et transformer la ville, notre équipe a toujours agi dans la fidélité à notre histoire. Il est vrai que les Chartrains et les autres remarquent souvent d'abord les nouveaux boulevards, les parkings, la méd'IAthèque et les grands équipements qui font aujourd'hui de Chartres une ville du XXIe siècle. Mais la présence de la cathédrale demeure, car Notre-Dame n'est pas seulement une très grande église. Elle attire des gens du monde entier et reste un lieu de pèlerinage vivant et actif.
« Nous avons défini et engagé très tôt une stratégie du patrimoine toujours d'actualité. »
Quand vous arrivez ici, vos yeux vous le disent très concrètement : vous en apercevez les flèches depuis 30 kilomètres à la ronde. C'est un phare, dont la nouvelle directive paysagère est en train de libérer les vues. Tous les autres monuments de Chartres se situent par rapport à elle. Le sanctuaire gallo-romain de Saint Martin-au-Val, le premier lieu de l'implantation chrétienne à Chartres, est d'ailleurs aligné sur le promontoire élevé où se situait le cœur de la ville gallo-romaine et le lieu de culte païen qui le couronnait. Le christianisme s'étant imposé, une église chrétienne puis les cathédrales successives s'y installèrent naturellement.
Même si les Chartrains ne nous avaient pas d'abord élu pour cela, nous avons défini et engagé très tôt une stratégie du patrimoine qui reste toujours d'actualité : restaurer ce qui doit l'être, animer et illustrer nos bâtiments historiques. C'est ainsi par exemple que l'hôtel des Postes est devenu une méd'IAthèque, le cloître des Cordeliers notre Conservatoire et que Chartres en lumières met en scène presque toute l'année ce patrimoine exceptionnel, notre richesse durable et non délocalisable, en témoigne son million d'admirateurs.
« Nous avons restauré et embelli les façades des immeubles les plus marquants du centre historique. »
VV : Et la cathédrale elle-même ?
JPG : Elle ne nous appartient pas, même si nous avons contribué au très gros effort de l'État qui en a nettoyé l'extérieur avant d'en restaurer l'intérieur de façon splendide et également à la restauration du grand orgue à hauteur de 100 000 €. Nous avons mené aussi des études les plus complètes possibles. Cela fait des années que les neuf portes de l'ancien cloître Notre-Dame sont matérialisées par une signalétique spéciale aux yeux des Chartrains et des touristes. Nous avons étendu la zone piétonne pour limiter les noirceurs de la pollution automobile sur la cathédrale et son environnement, restauré toutes les rues alentour en respectant leur caractère ancien, et même favorisé la restauration et l'embellissement des façades des immeubles les plus marquants du centre historique. Et aujourd'hui, comme il y a toujours des hommes derrière les pierres, nous avons entrepris de le repeupler en y faisant revenir des familles
Les travaux qui ont commencé pour restaurer et embellir le pourtour de la cathédrale sont l'avant-dernière étape de cette politique globale qui trouvera son couronnement quand nous aurons restauré et animé l'ensemble du territoire du cloître Notre-Dame, cette ville dans la ville au Moyen Âge, autour de la cathédrale. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
VV : Très concrètement, comment va s'organiser ce millénaire ?
JPG : Cela va commencer dès le 21 septembre à l'occasion des Journées européennes du patrimoine. Au programme : des ouvertures exceptionnelles, des concerts, dont celui du violoniste Renaud Capuçon en la cathédrale, des conférences, des expositions... La crypte va retrouver la Lumière !