La place de l'arbre dans la ville fait régulièrement débat au conseil municipal. Pourtant, l'arbre est présent depuis 2001 dans tous les projets de la Ville. Les explications du maire Jean-Pierre Gorges.
Votre Ville : Où en êtes-vous dans l'opération « 1 000 arbres pour les Chartrains » ?
Jean-Pierre Gorges : À ce jour, nous en avons offert environ 750 à autant d'habitants de Chartres possédant un jardin. Et cela fait quelques semaines que ce nombre tend à plafonner. Tous les propriétaires d'un jardin savent en effet qu'on ne peut pas planter un arbre n'importe où, notamment auprès d'une clôture, sauf à avoir des difficultés avec ses voisins. Et puis un arbre, ça grandit et son ombre s'étend en proportion. Surtout, Chartres est une ville, et une ville c'est un endroit construit, à l'habitat plus dense qu'à la campagne. La Loi nous incite d'ailleurs à densifier les constructions dans la ville pour éviter justement d'artificialiser des espaces supplémentaires en périphérie…
La Loi nous incite à densifier les constructions en ville pour éviter d'artificialiser les espaces en périphérie.
VV : Revenons aux arbres offerts. 750, cela paraît peu ?
JPG : Les Chartrains propriétaires ont encore la liberté d'organiser l'espace qui leur appartient. Je vois bien que certains sont tentés de tout réglementer. Mais ce n'est pas le cas de notre municipalité. L'arbre a toute SA place dans la ville de Chartres, mais pas toute LA place. Pardonnez-moi de rappeler cette évidence, mais ce rappel de bon sens est nécessaire quand on entend certains rêver à haute voix de forêt en ville. La vérité est que Chartres compte déjà énormément d'arbres, tous identifiés, numérotés et régulièrement examinés par notre excellent service des Espaces verts. Celui-ci en comptait 8 000 en 2001 quand nous sommes arrivés aux affaires, et 11 000 en 2020, année des dernières élections municipales, soit un bon tiers de plus. Depuis, nous en avons planté 1 000 encore !
Nous n'avons jamais cessé de planter des arbres , créé nombre de jardins publics et de parcs (…) Il y a ceux qui parlent et ceux qui font.
Entre-temps, nous avons aussi fait évoluer considérablement la qualité du verdissement dans Chartres. Nous avons notamment favorisé les essences consommant moins d'eau, ou dont le système racinaire est moins destructeur pour les réseaux souterrains. Chartres compte 150 kilomètres de rues. Et sous ces rues et leurs trottoirs passent autant de kilomètres de réseaux différents, secs et humides, de l'eau potable aux eaux usées, du gaz et de plus en plus souvent d'électricité, sans parler du téléphone et du câble…D'ailleurs j'entendais l'autre jour, en conseil municipal, un indigné professionnel qui nous faisait toute une tirade parce que nous avions abattu quelques arbres rue du Général-Patton. Je veux croire qu'il n'est pas allé sur place. Car s'il l'avait fait, il aurait vu de ses yeux vu des réseaux détruits par les racines de ces mêmes arbres. Il aurait pu en profiter aussi pour aller se promener dans le joli parc des Pastières que notre municipalité a installé tout près il y a seulement quelques années. Mais en connaît-il seulement l'existence ?
Dans le même genre, je pense aussi à cette personne du « camp du bien », qui parlait de s'attacher aux robiniers devant la cathédrale. En revanche, cela ne le gêne pas de promener sa grosse cylindrée de collection en ville. C'est vrai qu'ici, il ne risque pas de surtaxe de stationnement à cause du poids de son véhicule, ni d'être soumis à la ségrégation d'une zone à faible émission (ZFE). Car non seulement nous n'avons jamais cessé de planter des arbres à Chartres, mais nous avons aussi créé nombre de jardins publics et de parcs : parc Bernadette-Jouachim très bientôt à Rechèvres, parc Jacques Grand et parc de la Mare-aux- Moines à La Madeleine, etc. Et je ne parle pas des avenues arborées comme Jean-Mermoz, Victor-Hugo… Quant au Plan Vert le long de l'Eure, nous avons lancé le projet dès 2001, et le début de sa réalisation effective en 2003. Il s'allonge sur 27 kilomètres aujourd'hui. Il est prévu pour s'étendre sur 50, entre Saint Georges-sur-Eure en amont et Maintenon en aval. Il y a ceux qui parlent et ceux qui font.
VV : On sent que les polémiques sur les arbres vous surprennent un peu ?
JPG : Un peu. Car ce ne sont pas trois marronniers qui peuvent cacher l'équivalent de la forêt que nous avons plantée en vingt-cinq ans. Ce qui me choque, c'est l'hypocrisie sous-tendue le plus souvent par l'ignorance des phénomènes naturels. Car un arbre, c'est un être vivant qui naît, pousse et meurt, de vieillesse ou de maladie. Les grands arbres du boulevard Chasles étaient creux et risquaient de tomber à la première tempête. Les arbres de la place du Cygne étaient pour beaucoup d'entre eux malades, et les remplacer un par un au fur et à mesure aurait détruit toute harmonie d'ensemble. Les robiniers, à côté de la cathédrale, étaient eux aussi malades sauf un. Si un coup de vent en avait fait tomber un sur une personne, qui aurait porté le chapeau, sinon votre serviteur ? Regardez encore les jardins de l'Évêché : nos « indignés » professionnels « exigeaient » leur réouverture rapide. Au mépris du risque pour la population ? Sans prendre le temps d'examiner « en profondeur » la réalité de la situation ? Qui aurait assumé l'éventuel accident ? Remarquez que ces gens-là ne sont pas à une contradiction près. Ils dénoncent une situation qui vient de la nuit des temps et de l'érosion naturelle, tout en prétendant en permanence qu'il faut laisser faire la nature.
C'est un non-sens de vouloir opposer l'homme à l'arbre, surtout en ville.
VV : Comment expliquez-vous leur attitude ?
JPG : C'est simple : ils s'opposent systématiquement à tout projet qui ne vient pas d'eux. Mais comme dit l'adage : « les chiens aboient, la caravane passe ». Vous en voulez la preuve ? Quand nous avons abattu puis renouvelé tous les arbres de la place du Cygne il y a quelques années, ils ont poussé les hauts cris, essayé de bloquer le chantier, mobilisé des pétitionnaires du monde entier… Nous avons replanté autant d'arbres, ils poussent et la place a retrouvé son cachet. Les racines des nouveaux arbres ne défoncent plus les caves des riverains et les réseaux collectifs. Mais ça, ce n'est pas leur problème. Ils ne parlent plus de la place du Cygne et ont très vite oublié les trois marronniers de la Courtille depuis que la Justice leur a donné tort. Pourtant, nous avons déjà abattu des arbres, place Drouaise par exemple ou à La Madeleine. C'était à la demande des riverains, qui se plaignaient de manquer de lumière naturelle à cause du feuillage des arbres devant leurs fenêtres. C'est un non-sens de vouloir opposer l'homme à l'arbre, surtout en ville. Ici, les gens ont toujours le choix d'aller habiter la campagne toute proche.
Tout notre développement, économique et urbanistique se fait en réutilisant des friches urbaines ou en reconstruisant la ville sur elle-même.
VV : La caravane passe, avez-vous dit, mais où va-t-elle ?
JPG : D'abord, nous donnons l'exemple en matière de non-artificialisation des sols. Tout notre développement, économique et urbanistique se fait en réutilisant des friches urbaines ou en reconstruisant la ville sur elle-même : regardez le Pôle Gare, l'ancien quartier de Beaulieu devenu Les Clos, et les projets que nous conduisons à La Madeleine et ailleurs. Mieux encore, en matière de logements, nous rendons leur ville aux Chartrains en verdissant davantage leur quotidien : désormais, les immeubles d'habitation disposent de leurs parkings en sous-sol. Et non plus en surface, où le stationnement cannibalisait l'espace, l'asphaltait et le bétonnait, le transformant en autoroute à inondation en cas de pluies abondantes. Désormais on peut planter ces espaces libérés et l'eau de pluie peut s'infiltrer… Mais non, nos pseudo-écolos continuent de râler, ils vont même jusqu'à se réjouir que des procédures administratives ralentissent l'aménagement des terrains de l'ancienne base aérienne 122, sur le plateau nord-est, comme nous disons maintenant. Alors que ces ralentissements ont pour unique conséquence de freiner l'amélioration du cadre de vie des milliers d'habitants de La Madeleine. Qui, eux, nous demandent d'aller plus vite ! Cessons d'opposer la nature aux habitants. La nature et l'arbre sont présents dans tous nos projets. Et même dans les projets des promoteurs privés, qui doivent respecter certaines obligations en la matière. L'autre jour encore, à propos du réaménagement de la place Morard, les services nous disaient qu'on ne pourrait pas planter d'arbres à tel endroit. La densité des réseaux souterrains s'y opposait. Mais nous planterons quand même des buissons et des arbustes.
VV : Vous parliez de parcs et de jardins. Comment avance le projet du Rigeard ?
JPG : Normalement, c'est-à-dire au fur et à mesure que nous faisons l'acquisition des terrains privés qui bordent le parc d'origine. Nous avons entrepris d'en doubler la surface, une extension qui se fait sur Lèves comme sur Chartres. Cet hiver, nous avons créé des cheminements balisés pour que les gens puissent y venir sans gêner les animaux qui bénéficient d'espaces protégés par des clôtures légères. Et puis, comme nous le faisons désormais dans plusieurs parcs de Chartres, nous ne replantons pas d'arbres au petit bonheur. Nous favorisons désormais les fruitiers. C'est bon pour les passants, c'est bon pour les animaux. Le cliché du « vivrensemble » ne concerne pas que les humains. Cessons d'opposer l'homme à la nature.