Nouvelle présidente du tribunal judiciaire de Chartres depuis le 1er octobre, Estelle Jond-Necand occupe ses fonctions avec la volonté d'assurer la coordination des services du tribunal et continuer de faire évoluer la justice au plus près des citoyens. Entretien.
Votre Ville : Vous avez pris vos fonctions de présidente du tribunal judiciaire le 1er octobre. Quel a été votre parcours avant d'arriver à Chartres ?
Estelle Jond-Necand : Comme tous les magistrats de France, je suis allée à l'École nationale de la magistrature, à Bordeaux. À l'issue de mon cursus, j'ai d'abord été juge placé auprès du premier président de la Cour d'appel de Paris. Le juge placé est celui nommé en renfort dans les juridictions lorsque des postes sont vacants. Dans ce cadre, vous êtes habilité à occuper tous types de fonctions : juge d'instruction, juge d'application des peines, juge d'instance, etc.
J'ai ensuite été juge civil au tribunal de grande instance à Paris, en charge de statuer sur les contestations qui ont lieu lors de l'exécution d'un jugement déjà rendu. En parallèle, mes activités pénales m'ont permis de siéger à la cour d'assises comme assesseure et en correctionnel. À la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la Justice, j'ai ensuite contribué à la préparation de projets de texte, de décrets et de lois. En septembre 2015, j'ai rejoint le secrétariat général de la première présidence de la Cour d'appel de Versailles d'abord comme chargée de mission puis comme secrétaire générale. Puis, en janvier 2020, j'ai rejoint la Cour de cassation pour y occuper deux postes. En tant que directrice du projet open data, ma mission a été d'œuvrer à l'élaboration d'un outil facilitant l'accès aux décisions de justice rendues par les juridictions. Ce projet, juridique et informatique, a été l'opportunité de créer un véritable laboratoire d'innovation et d'utiliser l'intelligence artificielle : un travail passionnant cumulé à ma fonction de cheffe de pôle au service de documentation, des études et du rapport de la Cour de cassation. Enfin, j'ai été secrétaire générale adjointe du premier président de la Cour de cassation, avant ma venue à Chartres.
VV : Comment s'est déroulée votre nomination ?
EJN : Les nominations des chefs de juridiction font l'objet d'appels à candidatures deux fois par an, par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Vous candidatez sur les postes susceptibles de vous intéresser sans savoir, au préalable, s'ils seront libres. Cela a été mon cas au moment de postuler à la présidence du tribunal judiciaire de Chartres, qui était alors occupée par Stéphanie Kretowicz avant sa prise de fonction à la présidence du tribunal judiciaire de Lille. Dès lors, les candidatures sont examinées sur dossier pour vérifier leur recevabilité. La mienne a été définitivement retenue après une audition au CSM, qui est composé de 15 personnes.
VV : C'était donc une envie claire de diriger la juridiction de Chartres ?
EJN : Tout à fait, le critère géographique a fortement compté. Ayant travaillée à la Cour d'appel de Versailles, je connaissais déjà la juridiction de Chartres à laquelle elle est rattachée. J'ai eu l'occasion de m'attacher à la ville et à sa beauté exceptionnelle. De plus, la juridiction de Chartres est la seule du département, ce qui ajoute à mes fonctions la présidence du conseil départemental d'accès au droit. Pour ces raisons, Chartres était mon premier choix.
« Je me suis attachée à la ville et à cette juridiction. »
VV : Le tribunal judiciaire regroupe depuis le 1er janvier 2020 les tribunaux d'instance et de grande instance, quelles sont vos missions ?
EJN : Je suis la garante du fonctionnement du tribunal judiciaire avec le procureur de la République, Frédéric Chevallier. Ensemble, nous gérons et administrons le tribunal dans ses aspects immobiliers, budgétaires et de ressources humaines, avec le soutien du directeur de greffe. À titre individuel, je décide de l'affectation des magistrats du siège dans les services et veille au respect des obligations déontologiques des magistrats. À Chartres, le siège comporte 24 magistrats professionnels à temps plein, 3 magistrats à titre temporaire et 1 magistrat à titre honoraire auxquels s'ajoutent les 9 magistrats du parquet et une centaine de fonctionnaires et contractuels. Étant moi-même magistrate, je préside des audiences civiles et correctionnelles et assure des permanences de juge des libertés et de la détention. J'exerce mes fonctions en relations étroites avec les autres acteurs de la Justice sur le territoire, tels que le barreau, la protection judiciaire et de la jeunesse, la direction de l'administration pénitentiaire, les services d'enquête, mais aussi les acteurs locaux que sont le préfet et le maire.
« Garante du fonctionnement du TJ, mon rôle est d'avoir toujours un magistrat face au justiciable. »
En tant que cheffe de juridiction, ma mission est d'initier et d'assurer la continuité des projets. Stéphanie Kretowicz et Frédéric Chevallier ont notamment travaillé sur la création du minutier électronique civil, totalement dématérialisé, à l'initiative du ministère de la Justice. Cet outil doit permettre de conserver l'ensemble des décisions de justice civiles, sous la responsabilité du directeur de greffe. Autre objectif : la procédure pénale numérique sur laquelle travaille le ministère de la Justice et de l'Intérieur. L'ambition est de moderniser la justice pénale pour la rendre plus efficace en simplifiant le traitement des procédures et la collaboration des acteurs de la chaîne pénale.
En définitive, mon rôle est de faire en sorte d'avoir toujours un magistrat face au justiciable.
« L'objectif est de rapprocher la justice du citoyen et la faire évoluer au même niveau que nos voisins européens. »
VV : Il y a le travail du quotidien et la prise de hauteur qu'impose votre poste. Quels sont vos projets pour la juridiction ?
EJN : Nous souhaitons accueillir davantage d'audiences au sein de la chapelle du palais de justice, construite entre 1772 et 1773, qui a été le siège des archives départementales jusqu'en 2006. Dans l'objectif de rapprocher davantage la justice du citoyen, nous organisons la Nuit du Droit dont la 7e édition s'est tenue le 3 octobre. L'événement, gratuit, s'est déroulé sous la forme d'un escape game au sein du tribunal. À travers une enquête policière, les participants ont pu découvrir le rôle de chaque acteur judiciaire. Expliquer nos professions par un biais ludique est nécessaire pour casser cette barrière. Par ailleurs, la transformation numérique et le renforcement des équipes demeurent des enjeux centraux pour l'avenir de la justice. En résumé, d'importants et délicats chantiers nous attendent pour continuer de faire évoluer la justice au même niveau que nos voisins européens !
Le tribunal recrute !
Le tribunal judiciaire de Chartres renforce ses équipes. Deux postes sont à pourvoir : un assistant de justice au service de l'application des peines et un assistant de justice au service civil.
Ces fonctions sont notamment l'occasion pour des jeunes d'acquérir une solide expérience dans le cadre de leur cursus universitaire.
Renseignements et candidatures :
- Tél. 02 37 18 77 22
- Adresse e-mail : p.tj-chartres@ justice.fr