Diplômé de l'École du Louvre et natif du Havre, Grégoire Hallé est à 31 ans le nouveau conservateur du musée des Beaux-Arts de Chartres, qui s'apprête à prendre une tout autre dimension.
Votre Ville : Comment avez-vous choisi d'étudier l'histoire de l'art ?
Grégoire Hallé : Un peu par hasard. J'étais en prépa Lettres et j'adorais le grec et le latin. Quand l'un de mes amis m'a dit qu'il allait tenter le concours de l'École du Louvre, où l'on peut aussi étudier l'histoire des civilisations, je me suis dit : « Pourquoi pas moi ? ».
Mais rien ne m'y prédestinait. Lors des sorties de groupes dans les musées avec le collège ou le lycée, je restais toujours en arrière. Je n'étais pas plus emballé que ça.
Votre Ville : C'est donc à l'École du Louvre qu'est venue la révélation ?
Grégoire Hallé : Je ne me doutais pas que ces études d'histoire de l'art pourraient m'apporter autant au niveau de la connaissance de soi et de celles des autres.
J'avais 19 ans quand je suis arrivé à Paris. Je passais mon temps dans les musées. J'y ai découvert plein de choses. Un musée, c'est une confrontation de points de vue. À travers le débat, on fait l'apprentissage de l'autre et du monde qui nous entoure. Ça permet d'avoir des positions moins contrastées et ça apporte aussi une certaine forme de tolérance.
Mais toutes les conversations se concluent toujours par un « j'aime ou je n'aime pas ». L'art, c'est une affaire de sensibilité, d'émotion, et de plaisir surtout.
Votre Ville : Quelles questions doit-on se poser avant d'attaquer la restructuration d'un tel musée ?
Grégoire Hallé : Quelle est l'ambition ? Que veut-on dire au visiteur et que souhaite-t-on qu'il retienne à la sortie ? On doit aussi rendre les habitants fiers de leur musée, les faire rêver, créer une attente.
Votre Ville : Quelles sont les grandes lignes de votre réflexion ?
Grégoire Hallé : Parce qu'il est difficile de travailler en imaginant ce que sera la circulation dans le musée après les travaux d'agrandissement, il faut réussir à s'extraire du lieu pour penser la muséographie, même si le choix et l'emplacement de certaines œuvres sont conditionnés par le bâtiment.
Dans ce palais épiscopal du XVIIIe siècle, le public s'attend à trouver un parcours assez classique de peintures et de sculptures. Une sorte de colonne vertébrale sur laquelle peuvent venir se greffer d'autres parcours très différenciés. Ne serait-ce que pour occuper l'espace d'exposition, qui sera multiplié par trois, on doit veiller à se diversifier, mais sans se disperser.
À Chartres, la dimension rurale ne doit pas être oubliée. On a en réserve tout un fonds d'objets ethnographiques beaucerons. En mettant par exemple en regard de ces objets des toiles d'Alexandre Ségé ou des statues de faucheurs, on peut constituer un parcours à la fois très qualitatif et très rassembleur.
Avec mon équipe, nous allons écrire le scénario que le ou la muséographe sera chargé(e) de mettre en espace.
Votre Ville : Quels sont vos autres atouts ?
Grégoire Hallé :Chartres, c'est une petite ville à la force de frappe patrimoniale considérable.
Le musée des Beaux-Arts est un lieu idyllique et idéalement placé, au pied de ce sémaphore qu'est la cathédrale, qui draine un million de visiteurs par an, à 10 minutes à pied de la gare, elle-même à une heure de train de Paris.
Avec 40 000 habitants dans la ville et 140 000 dans l'agglomération, nous avons suffisamment de public et de scolaires pour maintenir une bonne fréquentation toute l'année. Et la marge de progression est gigantesque. Ça dépendra évidemment de ce qu'on présentera. Ce qui ne nous inquiète pas vu la grande qualité des collections.
Votre Ville : Avez-vous hésité à vous porter candidat au poste de conservateur ?
Grégoire Hallé :Pas une seconde. Ça va être dur mais à l'arrivée on aura quelque chose de superbe.