Le vélo roule le vent dans le dos ! Les manifestations de « Mai à Vélo » en témoignent ici comme ailleurs. Le cyclotourisme aussi a le vent en poupe. À Chartres, l'urbanisme aidant, Jean-Pierre Gorges y voit un exemple d'une stratégie de « la rue partagée ». Le vélo, mais pas que !
Votre Ville : Comment va l'usage du vélo à Chartres ?
Jean-Pierre Gorges : Le vélo prend progressivement une place plus importante. Un capteur nous permet de mesurer cette évolution. Il se trouve sur le Plan Vert, un lieu parlant pour l'usage loisir de la bicyclette. Nous voulons maintenant mieux le mesurer, dans son usage plus général de mode de déplacement. J'ai identifié un autre signe positif : à vélo ou à pied, mes deux modes de déplacement habituels dans Chartres, je croise de plus en plus souvent des « vélos-cargos » ou des parents qui transportent leurs enfants sur leurs porte-bagages, signe qu'ils se sentent en sécurité pour eux-mêmes et leurs petits.
Mais je me garde bien de considérer le vélo séparément des autres modes de déplacement. À mes yeux, le piéton restera toujours prioritaire, parce qu'il est le plus fragile, et surtout parce que nous sommes tous piétons à un moment ou à un autre.
Enfin, je regarde aussi attentivement l'usage croissant du vélo par nos nombreux touristes, et là les chiffres du camping, par exemple, sont parlants : près de 2 000 cyclistes la saison dernière, d'avril à la Toussaint. Des hébergements, des hôtels se créent pour ceux qui pédalent sur les 450 kilomètres de la Véloscénie entre Paris et le Mont Saint Michel. C'est une vice-présidente chartraine de l'Agglomération, Isabelle Mesnard, qui la préside. Cet itinéraire rencontre un succès croissant dans l'esprit des chemins de Saint-Jacques ou de la Loire à vélo.
VV : Dans le même temps, d'autres chiffres mesurent un début de baisse de la pollution atmosphérique à Chartres…
JPG : C'est une bonne nouvelle même si je ne considère pas le vélo comme le seul responsable de cette amélioration due à plusieurs raisons ou plus exactement à une action d'ensemble, globale. Quand nous limitons la vitesse automobile à 30 km/h, quand nous supprimons progressivement les feux de croisement, quand nous mettons en place le service du « dernier kilomètre » pour la livraison des commerces du centre-ville, quand nous obligeons les voitures à trouver leur place de stationnement de préférence en sous-sol, j'aime à dire que tout se ralentit pour aller plus vite, et au final pour mettre moins de temps dans son trajet.
Et nous poussons cette stratégie jusqu'au bout : la future autoroute A154 permettra ainsi de détourner une grande partie du trafic des poids lourds, et donc de réduire les encombrements, le bruit et donc la pollution. Tous ces éléments concourent à cette « ville apaisée » que nous voulons, non seulement pour les Chartrains, mais aussi pour tous les habitants de la zone urbaine de l'agglomération. Cela va bien au-delà du seul vélo, par exemple quand la SNCF déplace les ateliers d'entretien de ses locomotives diesel jadis au coeur du pôle-gare.
VV : Comment l'urbanisme contribue-t-il à accompagner cette stratégie des déplacements ?
JPG : Maria Jebli-Chedeville, notre adjointe en charge notamment de ces déplacements doux, accueillait récemment à Chartres une délégation de l'association nationale Rue de l'avenir. Ces gens, venus de 36 collectivités françaises, étaient intéressés par notre conception de la ville apaisée, et dans le détail par ce « partage de la rue » tel que nous l'organisons. Et la délégation en question a salué notre modèle de boulevard tel que nous l'avons mis en place boulevard Chasles ou boulevard de la Résistance, avec des bus en voie propre, des trottoirs épais, très larges où piétons et cyclistes peuvent se croiser aisément en toute sécurité, des piétons qui sont toujours prioritaires pour traverser ces axes.
Ce modèle, nous l'avons également développé aux Clos, avenue François-Mitterrand, ou sur le boulevard Victor-Hugo qui borde une partie de la Madeleine. La délégation a noté que ce type d'urbanisme, nous l'avons mis en place dès après notre élection en 2001. Nous avions seulement anticipé ce qui est devenu une nécessité en même temps qu'une mode des « déplacements doux ».
Et ce modèle de boulevard va maintenant pouvoir se développer puisque nous commençons à aménager certains axes pour pouvoir y faire circuler les nouveaux bus à haut niveau de service (BHNS). Des axes systématiquement doublés par des pistes cyclables, que nous appelons « pistes gold » à cause de la couleur ocre dorée de leur revêtement.
Des axes, je le répète, où les piétons seront toujours prioritaires. Un changement significatif, notamment boulevard de la Courtille, qui est bordé par un lycée et plusieurs écoles. Je me réjouis enfin que cet urbanisme rencontre l'assentiment des communes voisines où nos pistes cyclables sont toujours davantage reliées aux leurs.
VV : En ce mois de Mai à Vélo, vous n'avez pas l'impression de céder à une certaine mode ?
JPG : Non, puisque justement notre modèle d'urbanisme va dans ce sens depuis des années. Non encore, car nous travaillons aussi avec les associations qui accompagnent et encouragent cette évolution. La Ville les subventionne, qu'il s'agisse de Chartràvélo ou encore de l'association des 3R qui a une activité d'entretien et de réparation des bicyclettes. Non enfin parce que nous ne sommes pas des ayatollahs du vélo. J'ai toujours refusé cette tendance activiste du « tout, tout de suite, tout le temps », qui n'aboutit qu'à exclure : exclure la voiture, exclure les cyclistes des trottoirs à certains endroits, ou exclure les vélos des zones piétonnes. Chacun doit trouver sa place dans la rue partagée, à nous de les y aider. Enfin, je ne suis pas contre le Tour de France par seule idéologie.
Pour résumer : Vive le Vélo mais pas que !
Les considérations sur le vélo à Chartres en vidéo, par le maire Jean-Pierre Gorges.