Le Rigeard double sa surface et va devenir un parc de huit hectares dédié à la biodiversité. Le site accueillera aussi les collections du Muséum d'histoire naturelle. Les explications de Jean-Pierre Gorges.
Votre Ville : Le Rigeard est fermé maintenant depuis plus d'un an. Que va-t-il devenir ?
Jean-Pierre Gorges : Le Rigeard était un accueil de loisirs sans hébergement (ALSH). Un espace naturel et des bâtiments le long de l'Eure, où les enfants, les jours de congés, pratiquaient avec bonheur les loisirs de pleine nature, encadrés par des animateurs de la Ville. Cela depuis des années, à la satisfaction générale. Et puis, nous avons été alertés par nos services du mauvais état de certains murs des bâtiments d'accueil. Il n'était évidemment pas question de prendre des risques. Nous l'avons donc fermé et réparti les enfants qui le fréquentaient et leurs activités sur d'autres équipements municipaux, notamment des écoles.
VV : Comment les familles ont-elles vécu ce changement ?
Beaucoup mieux que nous ne l'avions prévu. La fréquentation a même augmenté, notamment pour des raisons de plus grande proximité. Et c'est un enseignement à retenir.
« Nous allons doubler la surface du Rigeard pour que la nature et la vie animale disposent d'une surface de tranquillité nécessaire. »
VV : En Conseil municipal, vous n'aviez pas jusqu'ici donné une nouvelle destination au Rigeard ?
JPG : L'urgence est mauvaise conseillère, quand elle devient précipitation. Surtout quand tout se passe bien pour les enfants et les familles comme je viens de l'expliquer. Vous n'entendez d'ailleurs plus les hauts cris de certains qui auraient bien voulu en faire un sujet d'agitation. Nous nous sommes donnés le temps de la réflexion et nous avons jugé qu'il fallait non seulement préserver les bâtiments, mais essayer de voir plus grand, plus large et de faire mieux si possible.
Certes, le Rigeard n'avait pas été jusqu'ici une priorité de l'action municipale. Il y avait tant de choses à faire à Chartres. Cela posé, l'endroit est très bien situé, au bord de l'Eure, soit sur le parcours de cette trame verte dont le Plan Vert est la parfaite illustration. Nous avons vu là l'opportunité de donner une seconde vie au Rigeard. Un lieu dédié à la biodiversité, un concept qui, si l'on en parle beaucoup, mérite qu'on le mette en œuvre concrètement. Et nous avons vu aussi que la nature, laissée tranquille depuis la fermeture, commençait à reprendre ses droits. Ce constat a guidé notre réflexion : comment concilier protection de la biodiversité et utilité pour les habitants ?
Nous allons donc créer un parcours naturel dans le même esprit que celui que vous trouvez aux environs de Saint-Martinau-Val. Il ne s'agit pas seulement de créer un parc urbain supplémentaire comme nous en avons créé plusieurs, même si le Rigeard et ses quatre hectares se trouvent justement au milieu de la zone urbaine. Nous allons donc doubler sa surface, pour que la nature et particulièrement la vie animale, disposent de la surface de tranquillité nécessaire.
« Sur la prairie en pente, nous allons recréer un verger de 72 arbres fruitiers. »
VV : Comment faire ?
JPG : À côté et un peu au-dessus du Rigeard actuel, propriété de la Ville de Chartres, se trouvent des prairies et des espaces boisés classés. Nous en avons identifié quatre hectares, soit autant que le Rigeard actuel. Ces terrains supplémentaires sont situés à part quasi égales sur le territoire de la commune de Chartres et sur celui de Lèves. Avec Rémi Martial, le maire de Lèves, nous nous sommes mis d'accord et nous avons commencé d'acquérir ces quatre hectares supplémentaires qui viendront donner toute sa dimension au futur parc du Rigeard.
« Notre ambition est de mêler mémoire, nature et modernité. »
VV : Acquérir quatre hectares ne se fait pas d'un trait de plume ?
JPG : Il y a évidemment tout un travail de négociation à mener avec les différents propriétaires, mais nous n'allons pas attendre que tout soit réglé pour commencer à agir. Nous avons donc élaboré un programme d'action et nous avons commencé à nettoyer, à débroussailler et à sécuriser les terrains déjà en notre possession. Nous avons découvert des arbres malades, parfois dangereux, comme ceux atteints de la chalarose du frêne. Ces arbres seront remplacés par des spécimens sains, en respectant le plan local d'urbanisme. Cette opération est en cours et c'est une société spécialisée dans le diagnostic sur les arbres que nous avons chargée de l'identification des arbres concernés. Voilà pour la partie boisée.
Ensuite, nous avons décidé de recréer un verger, non pas ordinaire, mais unique ! 72 arbres fruitiers à la place d'une prairie, avec des variétés anciennes, pour réintroduire un patrimoine végétal souvent oublié : plusieurs essences de poiriers, de cognassiers, de néfliers, de pruniers, de cerisiers et de pommiers. À cette occasion, j'ai appris que la pomme Calville, par exemple, était autrefois la préférée de Louis XIV… Ce choix n'est pas anecdotique : il illustre notre ambition de mêler mémoire, nature et modernité.
« Le futur parc, voué à la biodiversité, sera accessible au public, aux familles et aux enfants. »
VV : Pourquoi des arbres fruitiers, comme vous avez déjà commencé à en planter dans les jardins et parcs de la Ville ?
JPG : Le futur parc sera évidemment accessible au public, aux familles et aux enfants. Et la cueillette est un plaisir. Et peut-être surtout dans cet espace voué à la biodiversité, nombre d'animaux sont friands de ces fruits, qui les attirent et les nourrissent.
VV : Vous dites que les aménagements ont déjà commencé…
JPG : Dès l'été dernier, nos services ont commencé à débroussailler, à effectuer des relevés de la faune et de la flore présentes, à repérer les refuges des animaux, à définir les zones à protéger. Des chemins sont déjà en cours de création, et nous avons mis en place des mesures de protection pour les espèces les plus sensibles. Ce n'est pas une opération uniquement esthétique : il s'agit d'un véritable travail scientifique, réalisé avec l'aide d'experts, pour garantir que les choix que nous faisons aujourd'hui serviront les générations futures.
VV : Et les bâtiments ?
JPG : Ceux qui sont à l'entrée du parc ont vocation à redevenir des lieux d'accueil des animations, des enfants, etc. Et un peu plus loin nous souhaitons utiliser l'autre ensemble de constructions pour y accueillir les collections du Muséum d'histoire naturelle. Elles ont quitté il y a quelques années les locaux des hauts du boulevard de la Courtille. Elles sont stockées bien à l'abri à Saint-Martin-au-Val et elles trouveront naturellement leur place dans ce parc dédié à la nature et à la biodiversité. Ainsi, nature et culture se conjugueront, alors que trop souvent certains veulent les opposer.
« Alors que certains veulent les opposer, nature et culture se conjugueront. »
VV : Ce parc va également s'intégrer dans un véritable parcours ?
JPG : Le Rigeard, au bord de l'Eure, se trouve évidemment sur le parcours du Plan Vert qui traverse Chartres et l'Agglomération en se prolongeant chaque année un peu plus. Le Rigeard a vocation à s'intégrer dans cette opération qui va très loin dans la qualité de sa mise en œuvre. Cette trame verte destinée aux habitants se double déjà d'une « trame noire ». La nuit par exemple, nous supprimons, espaçons ou faisons varier l'intensité de l'éclairage public pour favoriser la vie des espèces nocturnes. Tout cela pour vous dire que là, comme partout ailleurs, nous essayons de mener une action complète, c'est-à-dire cohérente et continue. Nous n'agissons pas seulement en réaction, par exemple par rapport à la fragilisation de tel ou tel bâtiment, mais selon une réflexion d'ensemble, globale. C'est évidemment un travail qui ne peut se concevoir et être mené à bien que dans la durée, donc sur plusieurs années.