Sortir à Chartres
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Marceau dans la ville
Mieux qu’une histoire… une destinée !
Marceau. Ce nom, un jeune Chartrain le fit tellement connaître qu’il devint… un prénom ! Mais même à Chartres, qui connaît son histoire ?
Pour l’habitant d’aujourd’hui, Marceau c’est d’abord un lycée reconnu, et une place aux terrasses joyeuses. Le curieux ira peut-être jusqu’à faire le tour de l’obélisque où il lira cette formule lapidaire : « Soldat à seize ans, général à vingt-quatre, il mourut à vingt-sept ».
François-Séverin Marceau-Desgraviers vaut mieux que cela. Vous trouverez son nom inscrit sur un pilier de l’Arc de Triomphe. Mais c’est vrai de tous les généraux de la Révolution et du Ier Empire. Sur le même monument, un bas-relief représente les honneurs que ses adversaires autrichiens lui rendirent du côté d’Altenkirchen au lendemain de sa mort.
C’est déjà plus rare. Une statue de lui illustre l’une des façades du Louvre. Mais parmi d’autres. Ses cendres reposent au Panthéon et au caveau des gouverneurs des Invalides. C’est unique !
Il faut revenir ici pour comprendre. Le Chemin de Mémoire de la Ville de Chartres nous y invite.
Marceau naît le 1er mars 1769 dans une maison de la rue du Chapelet. Encore aujourd’hui, la municipalité fleurit à cette date la simple plaque qui figure sur le mur du numéro 22 de la rue rebaptisée Marceau depuis 1801, sous le consulat de Bonaparte.
En 1815, la Restauration monarchique rendit à la rue son nom originel. Mais en 1830 l’avènement de Louis-Philippe (qui avait été général de la Révolution à Valmy) et la volonté de la municipalité chartraine d’alors restituèrent à Marceau le nom de sa rue natale comme à la place voisine, autrefois place du Marché-Neuf.
L’obélisque date aussi de 1801, les quatre plaques de son socle énumèrent les grandes étapes de sa brève carrière militaire. Ils rappellent aussi que le maire et le préfet d’alors en furent à l’initiative : le Directoire avait rendu hommage à Marceau lors de sa mort au combat en Allemagne, et le nouveau pouvoir de Bonaparte, Premier Consul, entendait consolider et surtout stabiliser les acquis de la Révolution.
Carrière militaire
Déjà, tous les traits qui composent la figure consensuelle de Marceau sont là.
Soldat par vocation dans l’armée de l’Ancien Régime, mais barré dans son ascension par la « réaction nobiliaire » des dernières années du règne de Louis XVI, qui réservait l’épaulette aux jeunes gens nés nobles. Il est donc acquis aux idées de la Révolution, devient l’un des premiers engagés du 1er bataillon des Volontaires d’Eure-et-Loir et traverse les Guerres de Vendée sans avilir son honneur dans les horreurs de cette guerre civile.
Dans l’armée de Sambre et Meuse, il prend Coblence, où s’étaient regroupées les troupes de l’émigration royale ; gouverne Mayence dont les habitants le remercient de les avoir préservés du pillage ; et il mérite les honneurs funèbres de ses adversaires autrichiens après sa mort au combat, le 21 septembre 1796, lorsqu’il couvrait en personne la retraite de l’Armée française. Le général est mort.
La vie du héros commence.
Place au héros
Dans une salle, provisoirement fermée au public, le musée de Chartres garde notamment le portrait de son père, magistrat modeste qui prévoyait pour son fils une carrière dans les métiers du Droit.
Marceau n’aimait pas sa famille. À l’exception de sa sœur aînée Emira. Celle-ci épousa Antoine Sergent, plus tard Sergent-Marceau, graveur de talent et peintre, mais surtout député à la Convention. Le couple protégea le jeune officier des luttes de clans de la Terreur révolutionnaire, qui coupait facilement la tête de ses généraux.
Le portrait d’Emira, signé par son mari, vaut bien mieux que celui d’Agathe de Châteaugiron, jeune aristocrate bretonne qu’il devait épouser quand la mort le frappa.
À côté du sabre du général du Directoire, s’alignent toute une série d’objets d’art populaire et même publicitaires. Le héros préromantique change de statut, devient progressivement figure de la mythologie républicaine telle qu’elle se développe à la fin du XIXe siècle et jusqu’après la fin de la Seconde Guerre mondiale : songez qu’un escorteur allemand remis à la nouvelle Marine française de la Libération, portera le nom de Marceau qui n’a probablement jamais pris la mer…
Histoire d’une statue
Il est temps de partir place des Épars. En 1845, un comité chartrain lance une souscription pour l’érection d’une statue de Marceau. L’obélisque ne suffit plus. L’affaire prend une envergure nationale.
Évidemment, on veut l’installer place Marceau, mais la population tient à son obélisque. Ce sera donc place des Épars. Et cela tombe bien : en 1848, la France redevient révolutionnaire et républicaine. Son nouveau Président autorise la Ville à y installer la statue sculptée par Auguste Préault. L’Histoire bégaie : le Président en question s’appelle Bonaparte et il rêve lui aussi de devenir empereur.
Le 21 septembre 1851, l’inauguration est l’occasion d’une grande fête. Dans le socle de la statue, les personnalités scellent un coffret qui contient un programme de la fête, une copie du discours du maire, une médaille frappée à l’effigie du héros et d’autres objets.
En 2003, la statue sera déplacée et restaurée à l’occasion de la réurbanisation de la place des Épars. Elle sera remise en place le 10 juin 2006 en présence de milliers de Chartrains enthousiastes.
Entre-temps, la statue aura présidé aux grandes cérémonies patriotiques, le 14 juillet notamment, organisées depuis 1870 et l’instauration de la IIIe République. Celle-ci, dans son historiographie officielle que ses bataillons d’instituteurs raconteront aux enfants, voue un culte à quatre généraux républicains tués au combat : Hoche, Desaix, Kléber et Marceau.
Ils sont morts avant l’Empire, n’ont donc pas servi Napoléon. Et Marceau entre au Panthéon en 1889 à l’occasion des célébrations du Centenaire de la Révolution française.
Ironie de l’histoire, la statue de Marceau voisine place des Épars avec l’hôtel du Grand Monarque. Mais c’est en face, dès 1879, dans les salons de l’hôtel de France aujourd’hui disparu, que les notables de la gauche radicale et socialiste du département prirent l’habitude de se retrouver autour d’un banquet très politique.
Marceau en scène
À Chartres, le maire actuel demanda en 2013 au publicitaire Jean-Claude Decaux d’ôter le grand panneau d’affichage qui barrait le mur-pignon à l’angle des rues de-Lattre-de-Tassigny et de la Volaille à quelques dizaines de mètres de la maison natale de Marceau.
La Ville y fit réaliser une fresque représentant une scène de tournage. Et c’est bien sûr Marceau, en grand uniforme de chasseur à cheval, qui y tient la vedette. On n’échappe décidément pas à sa destinée !
Se rendre à la fresque (rue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny).